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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 12:34

 

Maurice Bellet
« La quatrième hypothèse. Sur l’avenir du christianisme »

 



“ Oh, est-il encore quelque chose qui puisse nous rassembler tous, nous les humains,
et qui porte encore la mémoire du Ciel et l’espoir de la Terre nouvelle, quelque chose
qui ressemble à l’antique prière, mais lavée, purifiée, libérée, quelque chose comme
le cri d’un désir si profond qu’aucun mot ne peut l’épuiser ?
Quelque chose qui puisse habiter le doute, l’angoisse, la mortelle tristesse,
le fond de l’abîme, et nourrir jusqu’à cet en-bas la grande faim humaine,
la faim d’amour.
Que nous puissions écouter, venant d’au-delà du monde, ce qui fait lever
en ce monde de cruauté et de désarroi, la joie neuve ?
Quelque chose que le plus dur ou le plus amer scepticisme, que le deuil
le plus sombre ou la haine elle-même puissent habiter, car ils y sont traversés
de ce qui se tient en amont et vient de plus bas, ce je ne sais quoi qui échappe 
à  tout pouvoir et à toute prise, cet infime et moins que rien où
s’annoncent, pour l’homme de la nuit, la fraîcheur de l’aube et l’imminence du soleil.
Oh, par-delà tout ce qui sépare, le lien que rien ne pourra rompre,
car il est par-delà tout devoir et tout droit, la joie pure de l’existence de l’autre,
qui nous tire de l’horreur solitaire.
Par-delà tout ce qui veut la mort et la tristesse, un chemin de vie traversant
les morts elles-mêmes, toutes celles où se morfond la vie.
Une abyssale humilité, qui ne réclame pas, n’exige plus, si humble
que nul n’en est humilié, une pauvreté souveraine qui partage ce qui est sans prix,
la douce présence, l’étrange douceur où se goûte qu’être humain parmi les humains,
 c’est être hors des griffes de l’en-bas pervers et meurtrier.
Et si, décidément, vous voulez que soit dit le nom de Dieu, nous dirons que
c’est ainsi que se retrouve enfin ce qui s’était perdu dans les sables et marécages :
 la toute-puissance de Dieu.
    Le Dieu sauvage, Maurice Bellet, éd. Bayard, pp. 141-142.


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